(Décédé le 9 mars 2007 à l’âge de 91 ans)

Il était le doyen des membres de l’AIEMPR - Pr Richard Querinjean

Prêtre, docteur en théologie, maître de conférences émérite à l’Université Catholique de Louvain, il a été le fondateur du Centre National de Pastorale familiale.

Il a participé au congrès AIEMPR de Toulouse en 1963 qui avait pour thème « Mariage et Célibat ». Il y a présenté un des principaux rapports.

Par la suite il a participé à d’autres congrès et, surtout, il a été à la base de nombreuses communications du groupe belge. En effet il animait des groupes préparatoires à ces congrès en utilisant la méthode inductive. Celle-ci faisait appel à l’engagement personnel des participants. Ces participations étaient très interpelantes et ont constitué pour tous des expériences mémorables.



Il n’est pas possible ici d’évoquer ses nombreux livres qui témoignent et de son attachement à l’Eglise dans ce qu’elle a de vivant et de sa critique de l’institution en ce qu’elle a de figé. Citons ici ces derniers livres auxquels il tenait le plus « La foi décantée » (1998). « Oser être chrétien aujourd’hui » (2000),

Il a participé et s’est engagé personnellement dans tous les grands débats de société de ces dernières années. : La morale conjugale et les questions soulevées par Humanae Vitae : « La morale conjugale en recherche » (1968). La question de l’avortement : « Pour une approche plus sereine à propos de l’avortement »(1973). Les débats éthiques soulevés par la question de l’euthanasie : « Euthanasie »(2001).
Il a aussi été aux côtés de Mgr Gaillot et de son site Partenia

Dans son livre « Morale sexuelle et magistère »(1992), il fait le récit de « l’impossible dialogue » avec l’autorité religieuse au sujet de ces questions et de ses témoignages, de ses combats dans ces domaines qui sont restés au centre de ses préoccupations.

Ces dernières années ont été marquées par ses rapports étroits avec les libres penseurs, rapports faits d’une conviction profonde et inébranlable en la valeur de l’Evangile et d’un respect profond pour ses interlocuteurs agnostiques et athées.

« Un penseur libre chrétien » a dit Christian Laporte (La libre Belgique, 12.03.07)
C’est vers cette liberté qu’il a essayé de conduire les hommes et les femmes qui l’ont approché et dont il a bien souvent marqué la vie.

Il est resté en éveil, « accueillant aux déplacements qui surviendront jusqu’à mon dernier souffle. ».C’est la dernière phrase de son dernier livre «Chrétien aujourd’hui» sorti de presse en février 2007.

Pierre de Locht, témoin de la liberté - Albert Bastenier

(article publié avec l’aimable autorisation de la rédaction de « La Revue Nouvelle »

En 1970, Pierre de Locht, prêtre catholique, théologien et fondateur du centre nation de pastorale familiale, publiait un ouvrage intitulé Et pourtant je crois. En février 2007, à la veille de son décès, paraissait le dernier de ses livres : Chrétien aujourd’hui : un engagement contradictoire ? De l’un à l’autre de ces écrits, la même interrogation au sujet de l’adhésion religieuse, de la foi chrétienne et de la permanence d’une solidarité avec l’Église catholique. Une trilogie de questions que cette grande figure spirituelle de la Belgique contemporaine n’a jamais consenti à dissocier, car elles constituaient ensemble ce qu’il appelait lui-même son «chemin de vie».

Il aurait pourtant eu plus d’une raison de les dissocier, tant il est vrai que le Dieu qu’il croyait présent au coeur de la condition humaine semblait de plus en plus éloigné des codes, dogmes et encycliques en filigrane desquels l’institution ecclésiastique nous le donne à voir. Pierre de Locht fut même le premier à prendre la mesure de cette distance, puisque les quarante dernières années furent celles au cours desquelles il en paya personnellement le prix.

Dès sa publication en 1968, l’encyclique Humanæ vitæ — portant sur les méthodes de contraception - avait installé dans l’Église catholique un malaise intellectuel et disciplinaire profond. Il ne devait plus jamais disparaitre depuis. Il n’a fait qu’y couver à la manière d’une pathologie maligne dont Rome n’a jamais voulu sérieusement prendre la mesure et comprendre la signification. Comme si non seulement l’indisponibilité intellectuelle de la théologie romaine vis-à-vis de la culture moderne mais aussi sa froide indifférence à l’égard du vécu des personnes étaient les conditions de reconnaissance de la prétention de l’infaillibilité de son pontife suprême.

Et c’est cela que Pierre de Locht ne pouvait accepter et qu’il n’accepta jamais. Son expérience, disait-il, avait forgé sa conviction qu’en chaque être humain, quel qu’il soit, il y a beaucoup plus de richesse et de capacité à s’assumer de manière responsable qu’on ne le croit et qu’il y croit lui-même. Et son souci d’aider chacun à oser être personnel, même à l’égard de la foi religieuse, fut pour lui une préoccupation majeure. À l’écoute des gens, il percevait comme peu savent le faire, combien les difficultés rencontrées dans le concret de l’existence sont autrement complexes que ce que les principes moraux de la plus intelligente des théories parviennent à exprimer. Et c’est sur ce terrain-là, celui de la réalité concrète, qu’il rejoignit plus d’une fois ceux qui, croyant ou non, s’attèlent aux grandes tâches humanitaires auxquelles notre époque convie.

Les lecteurs de La Revue nouvelle connaissent ce que furent les solidarités et les prises de position de Pierre de Locht. Il les a plus d’une fois exprimées dans nos pages, même s’il trouvait que le style de notre publication était souvent trop compliqué. Elles concernèrent les débats sur l’avortement, bien sûr, mais aussi ceux de l’éthique familiale, du contrôle des naissances, de la procréation médicalement assistée et de l’euthanasie. C’est- à-dire tous les débats qui traitent du « respect des vivants » et non pas de ce que la théologie romaine appelle abstraitement « le respect de la vie ». Car pour lui, cette sorte de vitalisme sacré qui anime la théologie était plus que suspect et il lui était devenu impossible de penser qu’aux yeux du Dieu des évangiles ce soit « la vie » comme concept qui soit sacrée plutôt que les êtres de chair et de sang que sont les hommes et les femmes de ce temps.

Sur ces questions, le « chemin de vie » de Pierre de Locht ne pouvait pas concorder avec celui du magistère ecclésial. La hiérarchie le lui fit savoir et lui en fit payer méchamment les conséquences par diverses mesures de marginalisation. Mais il disposait d’une suffisante sécurité intérieure pour ne pas se laisser détruire par cette logique institutionnelle. Plutôt que de prendre congé de l’Église, il jugea plus utile d’y promouvoir des actions transformatrices à l’égard de la place reconnue aux femmes, de la conception du ministère sacerdotal, de la liturgie. Se multiplièrent aussi, à partir de là, ses contacts et débats avec le monde de la laïcité. De son propre aveu, il y découvrit qu’il partageait avec d’autres biens des valeurs qui passent pour spécifiquement chrétiennes. Et son franc-parler autant que le courage de ses prises de position le firent apprécierez l’autre côté de cette frontière. Il fut de cette manière un chrétien témoin de la liberté implanté dans le monde pluraliste.